Il y a trois ans, nous étions touché·e·s par une pandémie qui nous obligeait à repenser nos méthodes d’animation. Animé·e·s par la volonté de poursuivre nos actions malgré le contexte, nous avons fait le choix d’adapter certains de nos outils au format digital. C’est ainsi que j’ai été amenée à proposer notre outil pédagogique « Riche$ ? » à une dizaine d’enseignant·e·s, lors des rencontres de l’ECSI (Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale) organisées par le RADSI Nouvelle Aquitaine. Cette expérimentation était d’ailleurs issue d’une réflexion menée par l’association Cool’eurs du monde.
L’outil « Riche$ ? » : de la version originale…
L’outil « Riche$ ? », dans son format original, invite les participant·e·s à se répartir en 6 groupes maximum, chacun correspondant à un personnage. Le but est de se mettre dans la peau d’un·e adolescent·e vivant en Bolivie, France, Inde, Érythrée, Yémen ou États-Unis afin d’essayer d’améliorer ses conditions de vie. Tou·te·s ces jeunes ont une histoire, vivent dans un contexte particulier et ont un accès aux droits fondamentaux (santé, alimentation, sécurité, logement…) qui sont expliqués sur les fiches « Personnage ».
Comme dans la vraie vie, il faudra faire des choix : faire des études supérieures ou travailler pour améliorer les revenus de ma famille ? Aller vivre en ville ? Prendre une assurance santé ?… Ces possibilités sont présentées sur des cartes, propres à chaque personnage, que les participant·e·s devront retourner une fois le choix fait. Sur le verso de la carte on découvrira ainsi les conséquences de notre choix, positives ou négatives, certaines prévisibles et… d’autres inattendues ! Ces conséquences sont alors matérialisées par des jauges qu’ils et elles complètent.
… à la version digitale
Afin de simplifier la mécanique de jeu, dans la version digitale, nous avons choisi de ne proposer qu’un personnage à tou·te·s les participant·e·s. Il s’agissait de celui de Yutika, une jeune indienne.
La première étape, pour les participant·e·s, a consisté à faire connaissance avec leur personnage à travers la fiche que je leur avais transmise. Ils ont ainsi pu découvrir son pays, sa famille et quelques-unes de ses habitudes. S’il est parfois difficile de s’assurer que le processus d’identification nécessaire au jeu est complété en présentiel, il est important de noter que cela est d’autant plus compliqué en visio et peut donc représenter un obstacle majeur. Dans mon cas, le public d’enseignant·e·s, très investi·e·s, a joué en ma faveur.
Je leur ai ensuite demandé de dessiner sur une feuille 7 échelles, intitulées respectivement « Education », « Alimentation », « Eau », « Santé », « Argent », « Sécurité » et « Travail », graduées de 0 à 10 et leur ai indiqué où positionner le repère initial. Là encore, la principale difficulté résidait dans la synchronisation de l’ensemble du groupe.
Ensuite, pour chaque tour, je demandais au groupe de décider collectivement du domaine de la vie quotidienne sur lequel il lui semblait prioritaire d’agir, puis leur proposais des choix d’actions correspondant à ce domaine. Ce dernier choix se faisait de manière individuel. Ainsi, les participant·e·s, pour un même personnage, pouvait avoir des évolutions de jauges différentes en fonction des conséquences de leurs choix. A chaque tour, ces évolutions donnaient l’occasion à de nombreux échanges et débats.
Bilan de l’adaptation de l’outil pédagogique « Riche$ ? » en visio
Contrairement à ce que je pouvais penser initialement, l’adaptation de « Riche$ ? » en visio ne s’est pas révélée si compliquée. Le choix méthodologique initial de ne présenter qu’un seul personnage sur les 5 présents dans le jeu réduit, certes, les possibilités de discuter des différentes formes de pauvreté dans le monde, mais permet, de la même manière, de comprendre les différents facteurs qui en sont responsables.
Le format distanciel n’a pas nui aux échanges ni aux débats car le cadrage du jeu en tours facilitait les prises de décision collective et l’expression des points de vue au moment de la découverte des conséquences des choix faits par chacun·e.
Ainsi, si en Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale, le contact humain et en présentiel reste à privilégier, pour « Riche$ ? » la version digitale peut être une alternative intéressante.
Par Marion Hemery, chargée d’action éducative à KuriOz.